J’ai vu des jours
J’ai vu des jours renaître en couchers de soleil
J’ai vécu de mourir par mille nuits de veille
En contournant les cieux à m’arracher les cils
A vouloir te saisir on devient imbécile
J’ai vu des jours tenter de tout recommencer
Par cette plaie ouverte impossible à panser
J’ai cru te reconnaître alors que tout mentait
Où est l’ombre des mots que par toi je vantais
J’ai vu des jours j’ai vu des nuits éblouissantes
En tunnels enlacés au verso de la sente
J’ai vu sans la comprendre une lueur divine
Est-il sain d’affirmer ce que l’âme devine
J’ai vu comme je vois toute banalité
L’homme déchiré l’homme en sa fatalité
J’ai vu la vie mourir de devoir se mouvoir
Où rampe cet orgueil qui se nomme pouvoir
Ai-je les yeux qu’il faut et l’esprit qui convient
Pour saisir l’indicible et crier qu’il revient
M’as-tu donné le droit et la force d’aimer
Ou pris dans tes filets n’ai-je qu’à me blâmer
Ce que j’ai vu de toi ne concerne que moi
Quand on veut devenir on garde son émoi
Mais qui sait qui peut avoir le vocabulaire
Qui connaît le repos où l’on doit se complaire
J’ai vu des jours au soir de la désespérance
Des jours de pluie des jours sans eau tout en outrance
J’ai vu l’enfance que tu as dû m’imposer
Afin qu’en devenant j’aspire à la nausée
Ce ne sont pas des mots c’est ma réalité
Inutile aujourd’hui d’en être dépité
Tu m’as voulu ainsi tu m’as voulu ici
Alors tiens-toi debout observe mon souci
Je n’ai pas l’intention de te faire la guerre
Je sais que tu n’es plus ce qu’on disait naguère
Un être tout puissant d’amour et de bonté
Le premier à venir où nul ne veut rester
Ce n’est pas de ta faute nul ne t’en voudra
Nous sommes toi et moi facteurs de si beaux draps
A moins que l’avenir cousu d’actualité
Soit le don promis à qui rêve de beauté
Mais ce n’est pas le cas tu es supercherie
Tu es comme le vent que le vide chérit
Tu es de nulle part et partout on te vante
Il faut bien encenser ce qui nous épouvante
J’ai vu des jours j’ai eu des peurs et j’ai compris
Tu n’es venu dans ce mouroir que par mépris
Tu t’es dit grand inconcevable indispensable
Mais il est près de toi un château tout en sable
Ce matin-là mal réveillé j’étais en nage
Il me restait au cœur un rêve de carnage
Je savais de l’horreur que je la reverrais
Comme on sait du soleil qu’il est ce qu’il paraît
Bien sûr j’ai pris ma douche et me suis habillé
Dans ma poche ennemie j’ai mis quelques billets
Et puis je suis sorti jouant au courageux
Voir ce que j’avais vu des jours privés d’enjeu